Lutte contre les violences intrafamiliales : l’intervention d’Isabelle FERNANDEZ

Isabelle FERNANDEZ est intervenue en Séance Plénière du 30 mai sur le point principal à l’ordre du jour : la lutte contre les violences intrafamiliales.

* * *

Monsieur le Président, Chers collègues,

La création au tout début du mandat d’une délégation contre les violences intrafamiliales a été un signe positif.

En effet, les violences intrafamiliales sont dans notre pays et notre département un véritable fléau.

Il y a encore quelques années, ces violences passaient sous les radars. Elles se déroulaient dans l’intimité du cercle familial. Elles restaient souvent tabou.

Aujourd’hui, en 2022, la société évolue dans le bon sens je crois et prend mieux conscience de la dangerosité des violents conjugaux et des défaillances de la prise en charge des victimes.

Le mouvement #MeToo et le comptage des féminicides par les associations a permis de briser le silence et de mettre un coup de projecteur sur la question des violences intrafamiliales qui sont inacceptables.

Malheureusement, les chiffres récents témoignent de la persistance des violences conjugales et de leur gravité.

En 2020, le Nord était le deuxième département où l’on comptait le plus de femmes victimes de violences conjugales. 7 femmes étaient décédées sous les coups de leur conjoint.

Nous savons que les violences conjugales touchent tous les milieux sociaux, tous les âges et toutes les cultures.

Ces violences qui touchent les femmes se répercutent presque systématiquement sur les enfants.

Nous savons d’ailleurs que la crise sanitaire a multiplié les situations de crise au sein des foyers. Les plateformes et numéros d’écoute ont constaté une explosion des signalements. Le nombre de signalements enregistrés au 3919 est passé de 6 400 en février 2020 (premier mois du confinement) à 29 400 en avril 2020. Du 1er avril au 3 mai 2020, le 114 a traité 2 038 dossiers de violences intrafamiliales Le nombre d’interventions des forces de l’ordre à domicile dans la sphère familiale pendant le premier confinement a bondi de + 42 %.

C’est dire l’urgence de se mobiliser dans notre département pour une politique ambitieuse afin de faire reculer les violences faites aux femmes et aux enfants.

J’évoquais il y a un instant l’importance d’avoir au sein de l’exécutif une élue référente sur la lutte contre les violences intrafamiliales.

Il faut en effet de l’énergie et de la détermination pour faire avancer les choses.

Nous comptons sur vous Madame BOISSEAUX.

Lors d’un échange avec la presse en octobre dernier, vous déclariez à propos de votre nouvelle responsabilité :

« Au niveau du Département nous avons déjà un référent par territoire qui participe activement. Nous voulons faire plus maintenant. Nous voulons faire un état des lieux de ce qui existe, de ce qui se fait et construire quelque chose de pérenne. »

L’objet du rapport que vous nous présentez aujourd’hui est différent.

D’abord, il ne contient pas de véritable état des lieux. C’est quelque chose qu’il faudra à notre sens réaliser et tenir à jour. De nombreux départements sont dotés justement d’un Observatoire contre les violences intrafamiliales qui permet d’avoir une vision d’ensemble mais également une vision des besoins d’accompagnement par territoire.

Nous savons par exemple que le Cambrésis est l’un des arrondissements les plus touchés par les violences. D’ailleurs, le taux d’enfants protégés atteint dans certaines communes des pics de l’ordre de 8 ou 9 % contre une moyenne de 3 % dans le département.

Un observatoire territorial permettrait de mieux se coordonner entre les collectivités, les services de l’Etat et les associations qui interviennent sur le terrain afin d’agir plus efficacement.

A travers votre rapport, il ne s’agit pas non plus de construire et de structurer une grande politique de prévention et d’accompagnement des victimes.

Cela sera nécessaire si nous souhaitons agir en première ligne et proposer des réponses innovantes sur le front de la lutte contre les violences.

Cette délibération a surtout le mérite de reconduire et de renforcer financièrement les dispositifs que nous connaissons bien d’intervenants sociaux en gendarmerie et en commissariat de police.

Nous avons noté l’évolution importante du budget qui passe de 509 000 euros en 2021 à près de 710 000 euros pour 2022.

Nous nous rappelons que votre précédente majorité avait choisi en 2015 de réduire considérablement les dotations en faveur des actions d’aide aux femmes victimes de violence (-15% pour Louise Michel et Chez Violette, – 50 % pour le Conseil Départemental de l’Accès aux Droits du Nord, – 50 % pour le CIDFF, – 50 % pour la Maison de la Famille, etc.).

Aujourd’hui, vous abondez les crédits dédiés à la lutte contre les violences. Il s’agit sur ce point d’un revirement complet. Nous ne pouvons que nous en féliciter Monsieur le Président.

Nous nous félicitons également du soutien départemental accordé dans la délibération au projet de l’association CAR’ADO pour faire de la prévention auprès des 12-25 ans et au projet de l’association SIJADIS qui déploie deux nouveaux centres d’observation judicaire à Valenciennes et Douai pour l’accueil d’auteurs de violences conjugales.

Enfin, nous accueillons avec un grand intérêt l’expérimentation sur la Direction Territoriale de Valenciennes d’un RSA d’urgence pour les femmes victimes de violences conjugales et sous dépendance financière de leur conjoint accompagné d’un coaching au sein d’une Maison Départementale de l’Insertion et de l’Emploi.

Toutefois, le plus gros du travail reste à mener pour être à la hauteur des enjeux.

Ce rapport est une première étape. Il doit servir de rampe de lancement pour mieux structurer l’action départementale contre les violences intrafamiliales et lancer des dispositifs innovants.

Je pense par exemple à la mise à disposition à l’instar de départements d’un pack de première nécessité (électroménager et mobilier) pour l’entrée des victimes dans leur nouveau domicile et le déploiement de solutions d’hébergement d’urgence.

Je pense également à la prise en charge et l’accompagnement des jeunes homosexuels qui peuvent subir des violences au sein de leur cellule familiale.

Enfin, il nous faudra nécessairement renforcer la prévention.

Les violences intrafamiliales doivent faire l’objet d’un travail de prévention dans tous les collèges nordistes publics et privés. La lutte contre les discriminations peut être abordée de manière facultative dans le cadre du Projet Educatif Départemental du Collégien. Elle devrait être abordée de manière beaucoup plus systématique. Le Département du Nord pourrait à ce titre financer des associations pour intervenir au sein des établissements scolaires.

Voilà ce que je souhaitais dire Madame la Conseillère déléguée, Monsieur le Président, sur ce sujet ô combien important à nos yeux de la lutte contre les violences intrafamiliales.

Nous voterons pour ce rapport en attendant de pouvoir réfléchir et travailler ensemble sur de nouvelles propositions concrètes qui feront avancer ce combat.

Je vous remercie de votre écoute.